Jubilé de la Miséricorde: outils de réflexion

La page « Jubilé de la Miséricorde » vient d’être créée.

Elle contient les documents du Magistère :

  • Misericordia vultus
  • Le calendrier officiel du Jubilé
  • L’explication du logo
  • [Le calendrier de la CENCO sera publié aussitôt]

Elle contient aussi des réflexions théologiques :

  • Miséricorde, première approche biblique et théologique.
  • [au fur et à mesure que les textes seront publiés communication sera donnée sur le site]

https://formpermccjrdc.wordpress.com/4-2/jubile-de-la-misericorde/

Projet Pastoral de la Formation Permanente 2015 – 2016

Le Projet pastoral proposé par la Commission Provinciale pour la Formation Permanente a été approuvé par le Conseil Provincial le 19.1.2015:

La richesse des thèmes offerts par le Magistère Pontifical

  • « Laudato sii »
  • Synode pour la famille
  • Jubilé de la miséricorde

outre aux indications du Magistère Épiscopal des Diocèses là où nous sommes (à Kisangani : pastorale de la maladie, service de l’exorcisme) nous oblige à proposer un programme assez souple, qui, en tenant compte des échéances provinciales, arrive à proposer des thèmes et des réflexions pour toutes les communautés.

Les trois niveaux qui structurent la communauté combonienne infra-provinciale doivent être pris en considération :

  • Communauté locale
  • Zone
  • Région

Le niveau provincial, étant celui qui propose les thèmes et les outils, accomplit son service dans la proposition du projet pastoral qui est envoyé au CP pour approbation et aussi dans le suivi des formations que les autres « niveaux » de la structure provinciale voudrons bien établir.

a) Proposition du projet pastoral au niveau provincial

Nous croyons que la grande richesse des propositions qui nous vient du Magistère doive être aussi articulée avec le spécifique qui nous vient de la communauté combonienne. Dans cette année pastorale il faut souligner l’importance des Actes du Chapitre qui vient d’être célébré. Il sera nécessaire inviter les communautés comboniennes à trouver, dans leur programmation de FP, le temps nécessaire pour lire et commenter au niveau de la communauté locale les Actes du Chapitre.

Pour ce qui concerne le niveau du Magistère Épiscopal, les informations reçues sont pratiquement inexistantes et cela empêche toute considération à propos de ce niveau.

Les « données » qui nous viennent de l’Évêque de Rome sont aussi riches et abondantes d’exiger un discernement au niveau provincial.

Nous pouvons décider d’attendre patiemment la publication de l’Exhortation Apostolique post-Synodale pour assumer dans la FP ce domaine de travail, à savoir le Synode sur la Famille.

Nous croyons que l’Encyclique « Laudato sii », c’est bien le Magistère social de l’Église, doit être exploitée au niveau régional. En effet, en 2016 aura lieu l’Assemblée Régionale dans chaque Région. Nous proposons que la première journée de l’Assemblée Régionale soit consacrée à la FP et de manière spécifique à approfondissement de l’Encyclique. Il faut noter qu’au CeRFA on est en train de donner un cours de théologie sociale qui traite de la lecture approfondie de « Laudato sii » et le matériel d’approfondissement sera donc facilement disponible.

Pour ce qui concerne le Jubilé de la Miséricorde la nécessité que toutes les zones aient à se plonger dans ce thème est tout à fait évident. Nous croyons que relève de la compétence du responsable zonale de la FP d’en envisager les manières. La CPFP sera toujours disponible pour fournir tous les outils nécessaires. Pour cela une page du site de la FP sera consacrée pour la mise à disposition des tous des réflexions et autres outils qui peuvent rendre service aux confrères.

b) Organisation des travaux selon les niveaux de responsabilité

  1. Commission Provinciale de la Formation Permanente

    1. Jubilé de la Miséricorde :

      1. Mise à disposition des réflexions et autres outils par les biais du site de la FP ;

2. « Laudato sii » : aide à la formation régionale sur l’Encyclique sociale du pape François.

  1. Formation Permanente régionale :

    1. Formation sur l’Encyclique « Laudato sii » au commencement des Assemblées régionales

  2. Formation Permanente zonale :

1. Formation sur le Jubilé de la Miséricorde dans les modes déterminés par la zone

  1. Formation Permanente communauté :

    1. Étude en communauté des Actes du Chapitre.

Conclusion

voilà quelque ligne de proposition du projet pastoral pour la FP dans cette année pastorale. La programmation relève davantage de la responsabilité des niveaux de la zone et communautaire.

La Commission Provinciale pour la FP peut assurer sa disponibilité à aider les différents responsables dans la gestion des activités qu’ils voudront programmer.

Programmation Formation Permanente – Région de Kinshasa

Mois

Jour

Objet

Thème

Animateur

Lieu

Heures

Octobre

V. 9

Fête :

Saint Comboni

Thème : Combonien

P. Tonino Falaguata Nyabenda

P. Michelle Dinoia

Kimwenza 09h00-14h00

Novembre

L. 09

Récollection

Fondement Biblique de la miséricorde

Neres

Kingabwa

09h00-14h00

Décembre

Mar. 08

Fête: Immaculée conception

Thème :

Lié à la solennité de l’immaculée conception

Sr. Luigina Provinciale

SMC

Postulat SMC Montgafula

09h00-14h00

Mer. 30

Échange de vœux

Messe, Repas

Jeux et divertissements

Cté de Kingabwa

Kingabwa

10h00-14h00

Janvier 2016

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Février

Assemblée Régionale des Pères et Frères Comboniens.

L. 01

Semaine de la vie Consacrée

La vie Consacrée

et la miséricorde

P. Joseph

Bibwa

Mars

L. 07

Récollection

Cfr. Les réflexions qui seront proposées par le Pape

P. Jean Claude

Limete SMC

09h00-14h00

Avril

L 04

Récollection

L’année de la miséricorde

Sr. Ngalula

Kintambo

09h00-14h00

Mai

D.01

Fête

Renouvèlement

Vœux Sc.

Messe

P. Joseph, provincial

7eme Rue

Limete

11h00

V.08

Premier vœux

Messe

P. Joseph, provincial

Kimwenza

10h00

Juin

V.03

Récollection et Fête: Sacre Cœur

Lié à la fête,

de sacre cœur

P. Sagasti

Bibwa

09h00-14h00

Fr. Enzo Bianchi – La passion de l’évangélisateur

Fr. Enzo Bianchi – La passion de l’évangélisateur

« Les prêtres, serviteurs de l’évangélisation »

Introduction

Pour réfléchir sur l’homélie comme service de l’évangélisation, on peut commencer par relire la seule encyclique papale qui ait été consacrée à la prédication, qui date d’il y a déjà presque un siècle :

La Parole de Dieu n’est-elle plus telle que la décrivait l’Apôtre, à savoir « vivante et efficace, plus tranchante qu’une épée à double tranchant » (He 4,12) ? Avec le temps et l’usage, l’épée s’est-elle émoussée ? Si l’épée ne manifeste plus sa puissance, cela est certainement dû à la faute de ceux qui ne la manient pas comme il faut. On ne peut affirmer que les apôtres rencontrassent des temps meilleurs que les nôtres, comme s’il y avait alors davantage de docilité à l’Évangile et moins de révolte contre la loi de Dieu.

Par ces mots, Benoît XV, dans son encyclique Humani generis redemptionem posait en 1917 les questions de l’échec et des difficultés de la prédication, notamment en rapport à une recherche d’art oratoire qui visait surtout à séduire, plus qu’à convertir. L’idéal du prédicateur tracé par Benoît XV n’était assurément pas Bossuet, mais plutôt Jean-Marie Vianney.

Mais ces questions de Benoît XV continuent de fait à résonner aujourd’hui dans l’Église car, malgré le renouvellement mis en marche par le concile Vatican II, l’homélie continue d’être la cible de critiques de toutes parts. Dans les médias ou dans le tissu quotidien de la communauté chrétienne revient périodiquement le débat sur la prédication, et c’est avant tout les plaintes qui prévalent : on juge souvent la prédication ennuyeuse, ou « obèse », ou moralisante, ou agressive. On finit de telle manière par confirmer les mots du grand écrivain François Mauriac lorsqu’il écrivait : « Il n’est de lieu où le visage des personnes ne soit aussi inexpressif qu’à l’église durant le prêche ! » Or nos homélies devraient pouvoir à la fois offrir la bonne nouvelle, l’euanghélion, et proposer la conversion.

Il ne fait pas de doute qu’un profond renouvellement homilétique a eu lieu dans les années d’après-Concile. On est passé du prêche à l’homélie, on a recommencé à annoncer l’Évangile « en écoutant religieusement la Parole de Dieu » (Dei Verbum 1) contenue dans les saintes Écritures. Après des siècles où l’annonce de la Parole de Dieu était exilée hors des communautés chrétiennes, il faut reconnaître que du chemin a été parcouru, malgré des imperfections et des contradictions. Ceux qui ne l’admettent pas ne se souviennent pas de ce qui se produisait durant les années précédant Vatican II ou vivent de ces nostalgies impossibles qui se nourrissent de la création de mythes et d’utopies.

Pour résumer, on peut donc dire qu’une tendance trop doctrinale de la prédication a été corrigée et qu’on a placé davantage l’attention sur sa dimension kérygmatique : un recentrement christologique a eu lieu, avec une attention particulière au Christ ressuscité et vivant, ainsi qu’un recentrement liturgique, dû à la majeure conscience de la sacramentalité de la Parole. Ce qui manque peut-être encore est une herméneutique liturgique qui procure au prédicateur et par conséquent à l’assemblée une capacité mystagogique adéquate. Toutefois un renouvellement certain de l’homélie est indéniable. Pour ce qui est de la situation italienne, il faut reconnaître que la modeste présence de communautés protestantes sur notre territoire n’a pas favorisé une réflexion sur l’homilétique, comme cela s’est par contre produit dans les pays anglo-saxons et surtout en Allemagne.

Après ces quelques brèves observations d’introduction, je voudrais vous proposer une méditation sur « la passion du prédicateur ». Ma réflexion s’articulera en deux points :

1. La passion de Jésus pour annoncer la Parole

2. La passion de celui qui prêche au nom de Jésus

1. La passion de Jésus pour annoncer la Parole

Il faut avant tout préciser qu’il est inopportun de se référer de manière « littérale » à la méthode de prédication adoptée par Jésus : ce serait une opération naïve et archéologique, même si elle a été parfois tentée par d’éminents pasteurs. On ne devrait pas davantage copier de manière immédiate le recours de Jésus aux récits ou aux paraboles, comme si on le singeait. Dans notre culture moderne en effet, si distante de la culture sémitique, les paraboles n’ont plus la même efficacité pour amener l’auditeur au choix décisif concernant sa vie, hic et nunc. Il vaut par contre la peine – et c’est ce que je tenterai de faire – de situer la prédication de Jésus à l’intérieur de son style de vie plus général.

Les Évangiles synoptiques témoignent du fait qu’après l’arrestation de Jean le Baptiste, Jésus se rendit en Galilée et « commença à proclamer » (Mt 4,17) sa prédication, surtout dans les synagogues, lieu de l’assemblée des enfants d’Israël. Marc spécifie que « Jésus prêchait (verbe kerýsso) l’Évangile de Dieu » (voir Mc 1,14), tandis que les autres synoptiques écrivent généralement que Jésus « prêchait » (verbe kerýsso : Mt 4,17) ou qu’il « enseignait » (verbe dídásko : Lc 4,15). Il était habilité à ce ministère par sa sagesse (sophía). Jésus, comme tout homme, avait grandi également « en sagesse » (Lc 2,40.52) et même si nous n’avons pas d’informations précises à cet égard, au cours de ses années « cachées », il avait certainement étudié, recherché et médité autour des Saintes Écritures de son peuple, au point d’être doté de cette sagesse qui frappait ceux qui l’écoutaient : « Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ? » (Mc 6,2). C’est cette même sagesse qui conduisait ceux qu’il rencontrait à le reconnaître comme rabbi, comme maître.

Face à la prédication de Jésus, les auditeurs « étaient frappés de son enseignement (didaché), car il les enseignait en homme qui a autorité (exousía) et non pas comme les scribes » (Mc 1,22). Les foules diront : « Qu’est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d’autorité (exousía) ! » (Mc 1,27). Le quatrième Évangile offre lui aussi un écho de cette réaction : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme » (Jn 7,46). Ce qui est mis en évidence par ces commentaires est la nouveauté de l’enseignement de la bonne nouvelle : une nouveauté qui est telle davantage en raison de l’autorité de celui qui l’exprime que par le contenu de l’enseignement même. La réaction de l’auditoire parle en effet davantage de Jésus que de son enseignement : Jésus est un maître, un prophète crédible, fiable, et c’est pour cela qu’il a autorité, exousía. D’où naissait cette crédibilité qu’il avait ? Nous ne devons pas la chercher dans une force surhumaine ou dans une dimension prétendument extraordinaire, parce que divine : ce qui était extraordinaire en Jésus était son humanité, sa pratique humaine de la foi. Jésus était un prédicateur qui avait autorité parce qu’en lui il n’y avait pas de fracture entre ses paroles, ses gestes, ses sentiments, son comportement. De cette intégrité naissait également son autorité de prédi­cateur, jugée différente de celle des scribes, les professionnels de la religion, qui le faisaient par métier !

Si les paroles de Jésus arrivaient au cœur des auditeurs – tout en ne provoquant pas toujours leur conversion : souvenons-nous à cet égard de son homélie dans la synagogue de Nazareth, qui se conclut non seulement par un échec mais par des insultes et même par une tentative de passage à tabac. (voir Lc 4,16-30) – ; si ses paroles suscitaient une décision de réception-écoute ou de rejet, ce n’était pas seulement pour leur contenu, pour l’annonce qu’elles contentaient, mais parce qu’elles provenaient de lui, de son humanité marquée par le « grâce et la vérité » (voir Jn 1,14). S’il se produisait quelque chose dans le cœur des auditeurs, cela n’était pas seulement dû à la parole de Jésus, mais à sa crédibilité, c’est-à-dire à sa capacité de témoigner par sa vie, en étant éloquent – à la limite – sans même proférer une parole. On pourrait lui appliquer un apophtegme traditionnel des pères du désert : « Il suffisait de le voir »… Sa doctrine était bien sûr une sagesse, mais elle était surtout fiable, crédible, et dès lors autorisée : ou mieux, c’était une sagesse rendue fiable et autorisée par sa personne même.

Enfin, en Jésus il ya avait aussi la passion (zêlos) pour les hommes, ses frères. Jésus n’avait pas seulement du zêlos pour la cause de Dieu, un zèle, une passion qui le consumait (voir Jn 2,17), mais il en avait aussi pour tous ses frères et sœurs en humanité. On trouve le témoignage de cette passion dans ce qu’on appelle les « sommaires » que les Évangiles synoptiques comportent pour décrire ce que Jésus faisait habituellement et avec une hâte eschatologique. Il allait de ville en ville, de village en village, il prêchait la venue du Royaume, il soignait, il guérissait, il chassait les démons, parce qu’il se sentait « envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15,24). C’est pour cela que « voyant une grande foule, il fut pris de pitié pour eux (esplanchnísthe ep’autoùs) parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger, et il se mit à leur enseigner beaucoup de choses » (Mc 6,34). Jésus possédait la passion qui naît des entrailles (splánchna) : ce sentiment, attesté à neuf reprises par les Évangiles en rapport à Jésus, dit sa capacité d’être ému, affecté, compatissant, de souffrir-avec ; ce sentiment le poussait à prêcher, à soigner, à libérer, il le conduisait à faire le pasteur. Cette compassion vécue par Jésus est la même que celle de la kénosis du Fils (voir Ph 2,7), c’est ce qui a modelé son « passage parmi nous en faisant le bien » (voir Ac 10,38) et surtout en éveillant la foi en tous ceux qu’il rencontrait.

Sagesse, autorité et passion ont non seulement caractérisé le ministère de prédication de Jésus, mais elles l’ont rendu crédible, fiable comme personne, capable d’amener l’auditeur à une décision bien précise : soit la conversion soit l’endurcissement du cœur.

2. La passion de celui qui prêche au nom de Jésus

C’est de cette attitude globale de Jésus Christ, de sa vie, que découle la prédication chrétienne. Elle a été initialement « course de la Parole » (voir 2Th 3,1) à travers les apôtres envoyés par le Seigneur lui-même avant tout à Israël puis aux peuples, jusqu’aux limites du monde. Ce ministère de la prédication, qui est toujours en même temps « ministère de la Parole » (diakonía toû lgógou : Ac 6,4) et « ministère de l’Esprit » (diakonía toû pneúmatos : 2Co 3,8) confié aux apôtres, a donc besoin d’un envoyé (apóstolos), d’un annonciateur (kéryx : 1Tm 2,7 ; 2Tm 1,11), d’un anaghinóskon (Ap 1,3), c’est-à-dire d’un « lecteur autorisé » qui, à travers des paroles humaines, fasse résonner dans un langage humain la Parole de Dieu dans l’aujourd’hui de la communauté chrétienne. Celui qui prêche est un ambassadeur du Christ (voir 2Co 5,20), c’est une personne à travers laquelle le Christ agit (voir Rm 15,189 et à travers laquelle Dieu agit aujourd’hui encore (voir 2Co 5,20), c’est « un administrateur des mystères de Dieu » (oikonómos mysteríon theoû : voir 1Co 4,1). À travers lui les chrétiens reçoivent « non une parole d’homme, mais la Parole de Dieu qui agit en celui qui croit » (voir 1Th 2,13).

Nous pourrions dire qu’il n’y a qu’une unique mission du prédicateur, qui trouve son origine dans la volonté de Dieu, le Père, qui se réalise par la puissance de l’Esprit saint à travers le Fils, Parole faite chair, et qui continue dans la diakonía de la Parole (voir Lc 1,2) exercée tout d’abord par les apôtres, puis par les évêques, et étendue aux prêtres au Ve siècle. La prédication au nom de Dieu dérive donc d’un charisme et d’une mission confiés à l’Église en vertu de la mission reçue du Seigneur : celui qui prêche agit au nom de l’Église qui l’a autorisé et, pour cette raison précise, il doit prêcher. Selon Vatican II, qui a repris la théologie de Calvin sur les tria munera du Christ, la première fonction de l’évêque est justement celle du ministère de la Parole, ministère prophétique qui a pour première tâche l’annonce de l’Évangile à toute créature. C’est l’évêque qui a la mission de la prédication ; le prêtre y a part et le diacre y est délégué ; exceptionnellement, comme en témoigne l’histoire, ce ministère peut être confié par l’évêque également à un simple chrétien, à un laïc, mais jamais de manière stable et permanente.

Quoi qu’il en soit, le prédicateur doit accepter de vivre au milieu de diverses tensions, et il doit en particulier toujours garder à l’esprit trois pôles :

  • la foi de l’Église qu’il doit proclamer et transmettre fidèlement, dans la communion apostolique ;

  • sa foi personnelle qui doit être exprimée par le sensus fidei qui l’habite ;
  • la foi de l’assemblée réunie, munie elle aussi du sensus fidei fidelium.

L’interaction féconde entre ces trois éléments exprime la vérité de l’homélie : en elle, c’est la foi de l’Église qui a le primat et qui, prise en charge à travers le sensus fidei, permet de lire les Écritures de manière authentique.

En gardant à l’esprit cet arrière-plan, cherchons à approfondir ce que j’ai dit au début de cette deuxième partie : à savoir que, si la prédication de Jésus continue dans la prédication des ministres de la Parole, il s’ensuit que ceux-ci doivent se conformer au Christ lui-même, ou mieux, ils doivent laisser le Christ prêcher en eux et à travers eux. Ce que le Christ a prêché et la manière dont il l’a fait sont le contenu et le style avec lequel les ministres doivent prêcher ! Pour cette raison, on exige d’eux ce que le Christ a montré qu’il possédait et qu’il leur a transmis : sophía (sagesse), exousía-dýnamis (autorité), zêlos (passion). Voyons donc une par une ces trois caractéristiques nécessaires au prédicateur pour accomplir de manière authentique et efficace le ministère de la Parole.

a) Sophía

Dans l’Évangile selon Matthieu, adressé à des destinataires juifs, Jésus promet : « Voici que j’envoie vers vous des prophètes, des sages et des scribes » (Mt 23,34) ; Luc, pour sa part, lit tout l’enseignement de Jésus comme sophía, comme sagesse « reconnue juste par tous ses enfants » (Lc 7,35) et il témoigne de la promesse de Jésus : « Je donnerai [à mes témoins] un langage et une sagesse que ne pourra contrarier ni contredire aucun des adversaires » (Lc 21,15).

Comme la sagesse a été nécessaire pour Jésus, de même elle l’est pour tout prédicateur. Comme un don d’en-haut elle doit être accueillie, invoquée par le prédicateur, mais celui-ci doit avoir la conscience que ce don de Dieu peut s’établir uniquement sur une sagesse qu’il aura lui-même prédisposée, recherchée, exercée. L’opération humaine et l’opération divine s’entrecroisent et agissent en une dynamique dans laquelle il est impossible de distinguer l’une de l’autre : malheur à celui qui pense que la sophía n’est qu’humaine ou qu’elle n’est que charisme, don d’en-haut ! Au prédicateur revient toute la responsabilité d’exercer le ministère de la Parole avec sagesse, laquelle doit certainement être demandée à Dieu comme un don (à cet égard, la prière de Salomon est exemplaire : voir Sg 9,1-18), mais il doit surtout l’assumer comme un engagement personnel. L’attitude du prédicateur doit être celle du Serviteur du Seigneur qui chaque matin se laisse percer l’oreille pour écouter comme un disciple (voir Is 50,4). Écouter la Parole, se laisse atteindre par la Parole, pénétrer la Parole, penser la Parole, faire l’expérience de la Parole en la mettant en pratique est la première tâche du prédicateur qui veut acquérir la sagesse.

Avant d’être habilité comme prédicateur auquel la Parole est confiée, le prédicateur est lui-même « confié à la Parole » (voir Ac 20,32), et cela exige de sa part une assiduité faite de lecture (lectio), d’approfondissement méditatif (meditatio), de prière (oratio), d’expérience quotidienne sous le jugement de la Parole de Dieu (contemplatio). Ce n’est qu’ainsi que le prédicateur fait sienne la pensée du Christ (voir 1Co 2,16). C’est ici que se situe l’exhortation de Paul à Timothée : « Applique-toi à la lecture » (1Tm 4,13). Il est banal de le redire, mais il faut se préparer, préparer l’homélie. Seul celui qui accède à la connaissance de Dieu peut la transmettre au peuple de Dieu ; si par contre un prédicateur refuse à la communauté la Parole de Dieu, par manque de connaissance, par paresse ou par lâcheté, alors Dieu le refusera, comme l’atteste clairement le prophète Osée : « Mon peuple périt faute de connaissance. Puisque tu as repoussé la connaissance, je te repousserai et tu ne seras plus mon prêtre » (Os 4,6). Si le prédicateur a conscience que l’acte de prêcher comporte un caractère opératif, que c’est un événement de langage efficace, alors il devra s’y préparer et préparer l’homélie avec la plus grande responsabilité. Il faut se préparer soi-même, tout prédisposer en soi pour être en condition de prêcher et ensuite préparer l’homélie, avant tout en puisant à la source (les Saintes Écritures et le missel), puis en pensant, en réfléchissant sur l’aujourd’hui où la Parole peut être ressuscitée du texte qui la contient, et enfin en tenant compte des destinataires. En tout cela, toutefois, le prédicateur doit rester vigilant : son engagement n’est jamais orienté à la recherche de consensus et il ne doit jamais être tenté d’identifier la bonne réussite d’une homélie avec l’approbation des auditeurs !

Il ne m’est pas permis d’approfondir ici ma pensée sur l’acquisition de la sophía. Je voudrais pourtant rappeler quelques nécessités. En premier lieu, la sagesse exige une écoute de la Parole faite avec une humble obéissance, et pour cela une écoute dans la prière. Le prédicateur sit orator antequam dictor (Augustin), qu’il soit un orant avant d’être un orateur, un prédicateur. Il faut écouter le Père, en se tournant vers son sein, pour devenir interprète, narrateur, exégète des Écritures et du Père comme l’a été Jésus ; et tout ceci à travers la médiation de Jésus même, comme l’a admirablement exprimé Origène :

S’il y a une signification symbolique au fait que Jean était appuyé contre la poitrine de Jésus (voir Jn 13,23) … ce symbole signifie que Jean était appuyé contre le sein du Logos dans le sein qui adhérait au Logos et qu’il se reposait en lui, de même que le Logos est dans le sein du Père, selon ce qui est écrit : « Le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, en a fait le récit » (Jn 1,18).

Par ailleurs, il ne faut jamais avoir peur de tout ce que les sciences humaines peuvent fournir pour permettre la connaissance et la communication du texte. Tous les apports qui nous aident à comprendre un texte dans son contexte, en effet, sont absolument nécessaires et utiles pour la préparation de l’homélie. Quand manque en revanche la sophía, le prédicateur risque fort de tomber dans le sermon moraliste ou de se laisser simplement inspirer par des éléments mondains, au point de réduire l’homélie à un bavardage ; ou alors il finit par communiquer sa propre expérience, ses idées personnelles, les dernières découvertes exégétiques, voire – comme on aime dire aujourd’hui – son « témoignage ». Mais tout ceci est une prise en otage de l’Écriture pour l’autopromotion du prédicateur !

Il ne faut pas davantage oublier que la préparation de l’homélie exige non seulement l’assiduité avec le texte biblique, mais aussi avec le missel, parce que l’homélie ne se situe pas seulement dans le contexte de l’assemblée liturgique, mais elle « fait partie de l’action liturgique », elle « fait partie de la liturgie même » (Sacrosanctum concilium 35 et 52). C’est donc un acte liturgique qui doit être célébré de manière rituelle. Toute la célébration est proclamation de la Parole, elle est geste et évènement sacramentel où Dieu parle à son peuple qui l’a convoqué et dont il attend l’amen pour célébrer l’alliance. Afin que l’homélie ne soit pas juste un prêche inséré dans une célébration, une sorte de parenthèse, elle doit être cohérente avec la célébration, avec l’eucologie propre de ce jour. Voilà pourquoi l’assiduité au missel est importante, de même que la lecture et la méditation du matériel eucologique, en vue de créer la nécessaire symphonie entre l’homélie et le temps liturgique, c’est-à-dire le mystère célébré. Oui, la Bible et le missel habilitent ensemble à toute la liturgie, à la célébration authentique, à l’ars celebrandi et par conséquent à la communication de l’Évangile, qui est parole et geste.

La tâche de l’homélie est de montrer que la Parole de Dieu écoutée s’accomplit aujourd’hui dans la vie de celui qui écoute – comme l’a dit Jésus même : « Aujourd’hui, cette Écriture est accomplie pour vous qui l’entendez » (Lc 4,21) – et de manifester que l’unité des Écritures est vivante et grandit précisément à travers sa transmission sacramentelle. L’homélie doit faire sentir la présence du Christ Seigneur dans sa Parole, de sorte à éveiller la faim de l’eucharistie, du Corps du Seigneur. L’eucharistie, par ailleurs, fait le récit de l’unité des Saintes Écritures et de la Tradition, grâce à la table de la Parole et du Pain, parce que la Parole proclamée s’entrecroise avec la transmission du geste eucharistique en un grand mystère, le « mystère de la foi », comme nous le proclamons au cœur de la liturgie eucharistique.

b) Exousía-dýnamis

Nous avons relevé que l’auditoire de Jésus sentait en lui, à travers sa prédication, une exousía, une dýnamis, c’est-à-dire une puissance qui rendait fécond son message, qui pénétrait les cœurs jusqu’à les mener à la décision, au choix : réception ou rejet. À l’exemple de Jésus, le prédicateur dans l’Église doit être lui aussi muni d’exousía et doit manifester une dýnamis dans toute son activité. Mais où puiser cette exousía et cette dýnamis ? Il faut certainement l’invocation, l’épiclèse qui demande ce don promis par Jésus lui-même à ses envoyés : « Ayant réuni les Douze, Jésus leur donna exousía et dýnamis » (Lc 9,1).

Mais il y a aussi une exousía qui découle du fait d’être crédible : crédibilité, fiabilité plus que jamais nécessaires pour un ministère prophétique tel que la prédication. La crédibilité est possible quand il n’y a pas de fracture chez le prédicateur, mais cohérence entre ce qu’il enseigne et ce qu’il pense et vit. Le prédicateur ne pourra jamais atteindre la cohérence vécue par Jésus, « homme comme nous en tout excepté le péché » (voir He 2,17-18 ; 4,15), homme dont l’humanité laissait transparaître Dieu, le Père raconté à travers tout son être et sa vie. Mais pour le prédicateur également, la fiabilité, et donc l’autorité, dépend non seulement de la sophía, mais aussi de la cohérence. Et s’il est vrai que notre foi est toujours fragile, il faudra que le prédicateur mette sa foi dans la foi de Jésus Christ, lui qui est « la foi parfaite », selon la belle définition d’Ignace d’Antioche.

Il n’est pas possible de prêcher la Parole avec efficacité si on ne l’aime pas et qu’on ne la réalise pas : s’il n’y a pas de réalisation, il n’y a pas non plus d’écoute. Il se peut alors que l’on fasse une homélie formellement bonne, presque parfaite dans sa forme, mais que cette homélie soit affaiblie, qu’elle devienne même source de jugement pour celui qui la prononce, provoquant en lui une sklerokardía (Jr 4,4 lxx ; Mc 10,5), un endurcissement du cœur. Nous le savons bien pour en avoir fait l’expérience, si au moins nous sommes sincères avec nous-mêmes : quand on commence à vivre non comme on pense, comme la Parole de Dieu et la cohérence l’exigeraient, on finit aussi peu à peu par penser comme on vit, par penser en s’accommodant de notre manière de vivre, en n’écoutant plus la Parole de Dieu, parce que notre cœur désormais est devenu insensible à la Parole, il s’est fait calleux ! Et dans ce cas, le Seigneur nous dira : « Éloigne-toi de moi, toi qui fais le mal. Je ne t’ai jamais connu et je n’ai donc jamais parlé en toi » (voir Lc 13,27)…

Aucun donatisme homilétique n’est ici impliqué, mais il reste vrai que le prédicateur ne peut annoncer avec efficacité un salut auquel il ne croit pas ; certes l’Esprit saint peut tout, il peut même parler à travers un âne (voir Nb 22,21-35), mais cela ne dispense pas le prédicateur de se préparer avec soin et, surtout, de croire lui-même en premier à la Parole qu’il transmet aux autres. Dans cette optique je voudrais brièvement mettre en lumière une autre dérive possible de l’homélie, malheureusement plutôt fréquente. Parfois, pour frapper, pour émouvoir et intriguer l’auditoire, on peut être tenté de communiquer ses propres expériences, de confier ses propres états d’âme, de transmettre ses idées personnelles, de recourir à des formules poétiques qui nous plaisent à nous mais ne disent rien de substantiel à ceux qui écoutent, qui séduisent mais ne convertissent pas, ou encore de se servir de slogans en vogue dans les médias. Ou, pire encore, on se produit en d’« inutiles divagations qui risquent d’attirer l’attention sur le prédicateur plutôt qu’au cœur du message évangé­lique » (Benoît XVI, Verbum Domini no. 59). Mais il faut le dire clairement : ce sont là des effets recherchés et pratiqués par ceux à qui manque une foi solide dans la puissance de la Parole de Dieu !

L’autorité dépend donc, en bref, de la capacité de lutter contre la schizophrénie entre le dire et le faire, entre la prédication et la réalisation de la Parole dans sa propre vie. Il faut une tension, une discipline, un labeur pour que ce que nous annonçons résonne toujours comme un jugement pour nous et le soit pour les autres uniquement par obéissance à la Parole de Dieu prêchée. Comment oublier que Jésus a prononcé ses « malédictions » contre ceux qui « siégeant dans la chaire … disent et ne font pas, lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes, alors qu’eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt » (voir Mt 23-3-4).

On reste déconcerté lorsqu’on constate la disproportion, la distance entre le message et le messager, mais la grâce du Seigneur suffit toujours et elle peut manifester sa force dans notre faiblesse (voir 2Co 12,9).

c) Zêlos

Enfin, il faut au prédicateur le zêlos, la passion, cette capacité d’être touché, blessé, ému dans ses entrailles par ce qu’il proclame et par les destinataires, par l’assemblée à laquelle il s’adresse. Le prédicateur doit être totalement impliqué avec la Parole qu’il prêche et, pour elle, il doit mettre en jeu sa propre vie, il doit la dépenser et la déterminer, au point de prêcher par toute sa personne : non seulement par les mots, mais aussi par son corps, par la manière de se comporter et de se vêtir, par tout ce qui est expression de langage en lui. Il devra se souvenir que la force de la parole des prophètes venait également de leur zèle, de leur implication totale avec la Parole ; c’est pour cela qu’ils pêchaient aussi par des gestes (ce qu’on appelle les « mimes prophétiques »), par leur habillement, par les vicissitudes de leur vie personnelle. Oui, la passion pour la Parole doit s’exprimer à travers la vie plutôt qu’à travers une voix forte et des cris, ou par un mauvais zèle !

Ce qui vaut pour tout domaine de la vie humaine vaut également pour la prédication : seul celui qui cultive une passion forte pour quelqu’un ou pour quelque chose peut apparaître passionnant et sera écouté. Une foi ferme est nécessaire : la foi de celui qui voit l’invisible (voir He 11,27) et n’est donc pas ébranlé, mais reste dans l’espace de la conviction, laquelle doit être renouvelée et renforcée continuellement, surtout par la grâce du Seigneur. Comme le Psalmiste, le prédicateur doit pouvoir dire : « Credidi propter quod locutus sum (« J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé » : Ps 115[116],1). Ce n’est que si elle est soutenue par une foi solide, cette « foi qui naît de l’écoute » (fides ex auditu : Rm 10,17), que la prédication peut être une annonce de la bonne nouvelle, de la belle nouvelle, qu’elle peut être une « vérité » qui non seulement « apparaît » (pateat), mais qui « plaît et pousse à l’action » (placeat et moveat), comme le conseillait saint Augustin. Pour tirer de son trésor du neuf et du vieux (voir Mt 13,52), il faut cette adhésion amoureuse au Seigneur qui permet de discerner dans l’Écriture la Parole de Dieu et de discerner les paroles à travers lesquelles l’annoncer. L’homélie est un service à la foi parce qu’elle rend possible cette écoute où se manifeste l’amen du croyant. Le prédicateur doit accepter de vivre dans l’homélie une tension entre deux pôles toujours simultanément présents : sa foi et la foi de l’assemblée. Sa foi doit s’exprimer dans le sensus fidei qui l’habite et doit rencontrer la foi de l’assemblée, elle aussi dotée de sensus fidei.

Le prédicateur doit aussi manifester sa passion, son amour intense pour le Christ, pour l’Évangile et pour le troupeau de Dieu qui lui est confié et dont il est le pasteur (voir 1P 5,2). Il faut qu’il se demande : « Quelle est ma passion ? Qu’est-ce qui fait brûler mon cœur ? Y a-t-il dans mon cœur cet amour pour le Seigneur qu’il a lui-même exigé, cet amour plus fort que celui par lequel nous nous aimons humainement (voir Lc 14,26) ? » Et quel place prend pour le prédicateur l’amor gregis ou également l’amor officii, sans lequel on ne peut devenir pasteur, mais uniquement mercenaires (voir Jn 10,11-14) ? Lorsqu’il n’y a pas cette compassion pour la communauté reçue du Seigneur, alors dans l’homélie apparaissent précisément toutes les pathologies du pasteur : la colère, l’agressivité, le mépris, le rigorisme. Et ainsi la bonne nouvelle se trouve mortifiée par une mauvaise communication, où l’adjectif « mauvais » ne signifie pas tant pauvre, mais faite à travers des sentiments qui n’expriment pas l’amour prévenant et toujours gratuit, la miséricorde infinie de Dieu, et au contraire le contredisent.

Il faut enfin de la passion également pour le Royaume, c’est-à-dire de l’espérance pour la venue du Seigneur, pour l’avenir qui s’inscrit dans l’aujourd’hui de Dieu, pour cet horizon eschatologique qui, s’il disparaît, prive de fondement la prédication chrétienne. Nous sommes en un temps où manque l’espérance, mais elle fait en réalité défaut parce que notre foi est lacunaire ; et avec peu de foi (oligopistía : Mt 17,20) il n’est pas possible d’espérer contre toute espérance (voir Rm 4,18). Mais si le prédicateur ne s’exerce pas le premier dans cette espérance, il ne lui sera pas possible d’y impliquer des auditeurs qui sont avant tout à la recherche de sens, d’orientation, d’un horizon qui nous est donné par la vie éternelle, par la victoire de l’amour sur la mort.

Conclusion

En guise de conclusion de cette réflexion, je veux citer un texte extraordinaire de Jean Eudes (1601-1680) sur le prédicateur, qui me semble résumer de manière emblématique tout l’itinéraire que nous avons parcouru :

Prêcher, c’est distribuer aux enfants de Dieu le pain de vie, et de vie éternelle … Prêcher, c’est faire parler Dieu, lequel ayant parlé aux hommes, par les Prophètes dans l’Ancien Testament, et par son Fils en la Loi nouvelle, nous veut encore maintenant parler par les membres de son même Fils, pour nous déclarer ses volontés et pour nous exciter à les suivre. L’origine de la prédication évangélique, c’est le sein de Dieu : puisque c’est de là qu’est sorti le verbe, la parole éternelle … La fin et le but de la prédication céleste, c’est de faire naître et de former Jésus-Christ dans les cœurs des hommes, et de l’y faire vivre et régner … Les prédicateur, étant les hérauts de Dieu, les ambassadeurs de Jésus, les dispensateurs de ses mystères, les oracles du Saint-Esprit, doivent être revêtus des qualités de Dieu, ornés des vertus de son Fils, possédés et animés de l’amour, de la charité, du zèle et de la force de son divin Esprit … Ils doivent étudier et pratiquer soigneusement ce que dit saint Paul : Sicut ex Deo, coram Deo, in Christo loquimur (2Co 2,17). Sicut ex Deo, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas prêcher les pensées et les inventions de leur esprit, mais puiser en Dieu, par la lecture des saintes Écritures et par l’oraison, les choses qu’ils doivent annoncer aux hommes. Coram Deo, c’est à-dire qu’il ne faut point qu’ils aient d’autre vue, d’autre prétention ni d’autre objet devant les yeux que Dieu, que la gloire de Dieu, que le salut des âmes, qui sont les fins pour lesquelles il a établi dans son Église l’office de la prédication. In Christo loquimur, c’est-à-dire qu’ils doivent renoncer à eux-mêmes pour se donner à Jésus-Christ, afin de parler en lui, de prêcher en son Esprit, et d’annoncer les vérités dans les intentions et dispositions tant intérieures qu’extérieures avec lesquelles il a prêché étant visiblement en la terre, et veut encore prêcher maintenant par leur bouche (Jean Eudes, Le prédicateur apostolique, Beauchesne 1907, p. 12-16).

fr. Enzo Bianchi, prieur de Bose– Bordeaux, mars 2014

Paroles de François aux prêtres et consacrés

Paroles de François aux prêtres et consacrés

au cours de son voyage à Cuba et aux États-Unis d’Amérique.

Les prophètes parlent, nous allons leur prêter attention.

Vêpres avec les prêtres et les religieux, à La Havane, Dimanche 20 septembre 2015

Le Cardinal Jaime nous a parlé de la pauvreté et Sœur Yaileny nous a parlé du plus petit, des plus petits : ‘‘ce sont tous les enfants’’. J’avais préparé une homélie à prononcer en ce moment, à partir des textes bibliques, mais puisque les prophètes parlent – tout prêtre est prophète, tout baptisé est prophète, tout consacré est prophète –, nous allons leur prêter attention. Donc, je donnerai l’homélie au Cardinal Jaime pour qu’il vous la fasse parvenir et que vous la publiiez. Ensuite, vous la méditerez. Et à présent, parlons un peu de ce qu’ont dit ces deux prophètes.

La PAUVRETÉ : le mur et la mère de la vie consacrée

Le Cardinal Jaime a eu l’idée de prononcer un mot très embarrassante, vraiment embarrassante, qui va même à contrecourant de toute la structure culturelle, entre guillemets, du monde. Il a dit : ‘‘pauvreté’’. Et il a répété cette parole plusieurs fois. Je pense que le Seigneur a voulu que nous l’entendions plusieurs fois et que nous la recevions dans nos cœurs. L’esprit du monde ne la connaît pas, ne la veut pas, la cache, non pas par pudeur, mais par mépris. Et, s’il lui faut pécher et offenser Dieu, pour que la pauvreté ne l’affecte pas, il le fait. L’esprit du monde n’aime pas le chemin du Fils de Dieu, qui s’est vidé de lui-même, s’est fait pauvre, s’est anéanti, s’est humilié, pour être l’un de nous.

La pauvreté fait peur à ce jeune homme si généreux – il avait observé tous les commandements – et lorsque Jésus lui dit : ‘‘Regarde, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres’’, il est devenu triste, il a eu peur de la pauvreté. La pauvreté, nous cherchons toujours à l’occulter, cela peut être pour des raisons valables, mais je parle du fait de l’occulter dans le cœur. Qu’il faille savoir administrer les biens, c’est une obligation, car les biens sont un don de Dieu, mais lorsque ces biens entrent dans le cœur et commencent à guider ta vie, là tu as perdu. Tu n’es plus comme Jésus. Tu trouves ta sécurité là où la trouvait le jeune homme triste, celui qui s’en est allé triste. Vous, prêtres, consacrés, consacrées, je crois que ce que disait saint Ignace peut vous servir – et ce n’est pas de la propagande publicitaire de famille, n’est-ce pas ? – mais il disait que la pauvreté est le mur et la mère de la vie consacrée. Elle en est la mère parce qu’elle crée plus  de confiance en Dieu. Et elle en est le mur parce qu’elle la protège de toute mondanité. Que d’âmes détruites ! Des âmes généreuses, comme celle du jeune homme devenu triste, qui ont bien commencé, et ensuite l’amour de cette mondanité les a progressi­vement gagnées, et elles ont mal fini. C’est-à-dire, médiocres. Elles ont fini sans amour, parce que la richesse appauvrit, mais elle appauvrit mal. Elle nous ôte le meilleur que nous ayons, elle nous rend pauvres de l’unique richesse qui vaille la peine, pour placer la sécurité dans quelque chose d’autre.

L’esprit de pauvreté, l’esprit de détachement, l’esprit d’abandon total, pour suivre Jésus. Cet abandon total, je ne l’invente pas moi. Plusieurs fois, il apparaît dans l’Evangile. Dans l’appel des premiers [disciples] qui ont laissé les barques, les filets, et l’ont suivi. Ceux qui ont tout laissé pour suivre Jésus. Une fois, un prêtre âgé, sage, m’a dit, en parlant du moment où l’esprit de richesse, de mondanité riche, gagne le cœur d’un consacré ou d’une consacrée, d’un prêtre, d’un évêque, d’un Pape, de qui que ce soit ; il m’a dit c’est quand on commence à réunir de l’argent, et pour assurer l’avenir, n’est-ce pas ?, alors, l’avenir n’est pas en Jésus, il est dans une compagnie d’assurances de type spirituel, que je gère, n’est-ce pas ? Donc, quand, par exemple, une Congrégation religieuse, – pour prendre un exemple, me disait-il -, commence à réunir de l’argent et à épargner, et à épargner, Dieu est si bon qu’il envoie un économe qui est un désastre, qui la conduit à la faillite. Ils font partie des meilleures bénédictions de Dieu à son Eglise, les économes qui sont des désastres, car ils la rendent libre, ils la rendent pauvre. L’Eglise, notre Sainte Mère, est pauvre, Dieu la veut pauvre, comme il a voulu pauvre Marie, notre Sainte Mère. Aimez la pauvreté comme une mère. Et simplement, si quelqu’un parmi vous le veut bien, je vous suggère de vous demander : comment est mon esprit de pau­vreté ?  Comment est mon esprit de détachement intérieur ? Je crois que cela peut faire du bien à notre vie consacrée, à notre vie sacerdotale. Après tout, n’oublions pas que c’est la première des béatitudes : heureux les pauvres en esprit, ceux qui ne sont pas attachés à la richesse, aux pouvoirs de ce monde.

Caresser ceux que le monde rejette

Et la Sœur nous parlait des derniers, des plus petits que, même s’ils sont grands, on finit par traiter comme des enfants, parce qu’ils se présentent comme des enfants. Le plus petit. C’est une phrase de Jésus. Et elle se trouve dans les principes à partir desquels nous serons jugés : ‘‘Ce que tu as fait au plus petit de ces frères, tu me l’as fait à moi’’. Il y a des services pastoraux qui peuvent être plus gratifiants du point de vue humain, sans être ni mauvais ni mondains, mais lorsqu’on cherche dans la préférence intérieure le plus petit, le plus abandonné, le plus malade, celui que personne ne prend en considération, celui que personne n’aime, le plus petit, et qu’on sert le plus petit, on sert Jésus de façon inégalable.

Toi, on t’a envoyé là où tu ne voudrais pas aller. Et tu as pleuré. Tu as pleuré parce que cela ne te plaisait pas, ce qui ne signifie pas que tu es une religieuse pleureuse, non. Dieu nous délivre des religieuses pleureuses, eh ! qui sont toujours à se plaindre. Cette affirmation n’est pas mienne, Sainte Thérèse, eh ? disait cela à ses religieuses. C’est d’elle [cette affirmation]. Malheur à la religieuse qui passe toute la journée à se plaindre, parce qu’on a commis envers elle une injustice. Dans le langage espagnol de l’époque, on disait : ‘‘Malheur à la religieuse qui passe son temps à dire : on m’a traitée sans raison’’.  Tu as pleuré, parce que tu étais jeune, tu avais d’autres aspirations, tu pensais peut-être que dans un collège tu pouvais réaliser plus de choses et que tu pouvais programmer l’avenir pour la jeunesse. Et on t’a envoyée là-bas – ‘‘Maison de la Miséricorde’’-, où la tendresse et la miséricorde du Père se rendent plus évidentes, où la tendresse et la miséricorde de Dieu se font caresse. Que de religieuses, et de religieux consument – et je répète le verbe, consument – leur vie, en caressant du ‘‘matériel’’ de rejet, en caressant ceux que le monde rejette, ceux que le monde méprise, ceux dont le monde préfère qu’ils n’existent pas, ceux à qui, de nos jours, par des méthodes nouvelles d’analyse disponibles, lorsqu’on prévoit qu’ils peuvent être affectés par une maladie dégénérative, le monde se propose de faire rebrousser chemin, avant même qu’ils naissent.

C’est le plus petit. Et une jeune fille, pleine d’aspirations, commence sa vie consacrée en vivant la tendresse de Dieu dans sa miséricorde. Parfois, ils n’entendent pas, ils ne savent pas, mais qu’il est beau aux yeux de Dieu et qu’il fait du bien, par exemple, le sourire d’un spasmophile, qui ne sait pas comment sourire, ou lorsqu’ils veulent donner un baiser et bavent sur ton visage ! C’est la tendresse de Dieu, c’est la miséricorde de Dieu. Ou bien lorsqu’ils sont fâchés et te donnent un coup. Et consumer ainsi ma vie, au contact du ‘‘matériel’’ de rejet aux yeux du monde, cela nous parle d’une seule personne.

Cela nous parle de Jésus, qui, par pure miséricorde du Père, s’est anéanti ; il s’est abaissé, dit la Lettre aux  Philippiens, chapitre deux.  Et les gens auxquels tu consacres ta vie imitent Jésus, non pas parce qu’ils l’ont voulu, mais parce que le monde les a faits ainsi. Ils ne sont rien et on les cache, on ne les montre pas, ou bien on ne les visite pas. Et si on le peut, et s’il est encore temps, on leur fait rebrousser chemin. Merci pour ce que tu fais et, à travers toi, merci à toutes les femmes et aux nombreuses femmes consacrées, au service de l’inutile, parce qu’on ne peut créer aucune entreprise, on ne peut pas gagner de l’argent, on ne peut absolument rien faire avancer de ‘‘constructif’’ entre guillemets, avec ces frères, avec ceux qui sont de moindre importance, avec les plus petits. Là, resplendit Jésus. Et là resplendit mon choix de Jésus. Merci à toi ainsi qu’à tous les consacrés et toutes les consacrées qui font ce travail.

CONFESSIONNAL : un endroit privilégié où rencontrer le plus petit

‘‘Père, je ne suis pas religieuse, je ne m’occupe pas de malades, je suis prêtre, et j’ai une paroisse, ou bien j’aide un curé. Qui est mon Jésus préféré ? Qui est mon plus petit ? Qui est celui qui montre le plus la miséricorde du Père ? Où dois-je le rencontrer ?’’. Evidemment, je continue de parcourir le protocole de Mathieu 25. Tu y as tout : en celui qui a faim, dans le prisonnier, dans le malade. C’est là que tu vas les trouver, mais il y a un endroit privilégié pour le prêtre, où apparaît le dernier dont il est question, ce tout petit, le plus petit, et c’est le confessionnal. Et là, lorsque cet homme, ou cette femme te montre sa misère, attention !, qui est la même que la tienne, dont Dieu t’a sauvé, eh ?, et tu n’en es pas arrivé là. Lorsqu’il te montre sa misère, s’il te plaît, ne le défie pas, ne l’arrête pas, ne le punis pas. Si tu n’as pas péché, lance-lui la première pierre, mais uniquement à cette condition. Autrement, pense à tes péchés. Et pense que tu peux être cette personne. Et pense que, probablement, tu peux arriver plus bas encore. Et pense qu’en ce moment tu as un trésor dans les mains, qui est la miséricorde du Père.

S’il vous plaît – vous, les prêtres – ne vous lassez pas de pardonner. Soyez des dispensateurs de pardon. Ne vous lassez pas de pardonner, comme le faisait Jésus. Ne vous cachez pas derrière des peurs et des rigidités. Comme cette religieuse et toutes celles qui font son travail, n’entrez pas en furie lorsque vous vous trouvez face à un malade sale ou qui se sent mal, mais plutôt, de la même manière qu’elles le servent, le nettoient, prennent soin de lui, de même, lorsqu’un pénitent vient vers toi, ne te fâche pas, ne deviens pas hystérique, ne le chasse pas du confessionnal, ne le défie pas. Jésus les embrassait. Jésus les aimait. Demain, nous fêterons saint Matthieu. Comme il volait, celui-là ! En outre, comme il trahissait le peuple ! Et l’Evangile dit qu’à la faveur de la nuit, Jésus était allé dîner avec lui et avec d’autres comme lui. Une phrase de Saint Ambroise me touche beaucoup : ‘‘Là où il y a miséricorde, il y a l’esprit de Jésus. Là où il y a rigidité, là ne se trouvent que ses ministres’’.

Frère prêtre, frère Evêque, n’aie pas peur de la miséricorde. Permets-lui de s’écouler par tes mains et par ton accolade de pardon, car celui ou celle qui se trouve là est le plus petit. Et donc, c’est Jésus. Voilà ce qu’il m’est venu à l’idée de vous dire après avoir écouté ces deux prophètes. Que le Seigneur nous concède ces grâces que tous les deux ont semées dans notre cœur : pauvreté et miséricorde. Car, là se trouve Jésus.

Voyage du Pape François à la cathédrale de La Havane, Dimanche 20 septembre 2015

Vivre notre vocation dans la joie

Vêpres avec le clergé et les religieux à New York, le 24 septembre 2015

Écoutons l’Apôtre : « Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu temps encore, par toutes sortes d’épreuves » (1P 1, 6). Ces paroles nous rappellent une chose essentielle : nous devons vivre notre vocation dans la joie.

Cette magnifique cathédrale Saint-Patrick, construite durant des années grâce aux sacrifices de nombreux hommes et femmes, est le symbole du travail des générations de prêtres, religieux et laïcs américains, qui ont contribué à l’édification de l’Église aux États-Unis. Ils sont nombreux les prêtres et les religieux de ce pays ayant joué un rôle fondamental, et pas uniquement dans le domaine de l’éducation, en aidant les parents à donner à leurs enfants l’aliment qui les nourrit pour la vie ! Beaucoup l’ont fait au prix de grands sacrifices et avec une charité héroïque. Je pense par exemple à sainte Élisabeth Anne Seton, qui a fondé la première école catholique gratuite pour les filles en Amérique, ou bien à saint Jean Neumann, le fondateur du premier système d’éducation catholique dans ce pays.

Ce soir, chers frères et sœurs, je suis venu me joindre à vous, prêtres, consacrées, consacrés, pour prier afin que notre vocation continue de construire le grand édifice du Royaume de Dieu dans ce pays. Je sais que, en tant que presbyterium, avec le peuple de Dieu, vous avez beaucoup souffert récemment, à cause de la honte provoquée par tant de frères qui ont blessé et scandalisé l’Église dans ses fils les plus vulnérables. Avec les paroles du livre de l’Apocalypse, je vous dis que vous « venez de la grande épreuve » (Ap 7, 14). Je vous accompagne en ce moment de peine et de difficulté, et je remercie Dieu pour votre service fidèle auprès de son peuple. En espérant vous aider à persévérer sur le chemin de la fidélité à Jésus Christ, je voudrais vous offrir deux brèves réflexions.

La grâce de la mémoire pour grandir dans l’esprit de gratitude

La première concerne l’esprit de gratitude. La joie des hommes et des femmes qui aiment Dieu attire d’autres ; les prêtres et les religieux sont appelés à trouver et à manifester une joie permanente pour leur vocation. La joie jaillit d’un cœur reconnaissant. En vérité, nous avons beaucoup reçu, tant de grâces, tant de bénédictions, et nous nous en réjouissons. Cela nous fera du bien de penser à notre vie avec la grâce de la mémoire. Mémoire de ce premier appel, mémoire du chemin parcouru, mémoire des grâces reçues… et, surtout tout, mémoire de notre rencontre avec Jésus Christ si souvent au long du parcours. Mémoire de l’émerveillement que notre rencontre avec Jésus suscite dans nos cœurs. Chers sœurs et frères, consacrés et prêtres, demander la grâce de la mémoire de manière à grandir dans l’esprit de gratitude. Peut-être avons-nous besoin de nous demander : sommes-nous capables d’énumérer les bénédictions reçues, ou bien je les ai oubliées ?

Un style de vie dévouée au travail

Un second aspect est l’esprit du travail dévoué. Un cœur reconnaissant cherche spontanément à servir le Seigneur et à suivre un style de vie dévouée au travail. Le souvenir du fait que Dieu nous a beaucoup donné nous aide à comprendre que le renoncement à nous-mêmes afin de travailler pour lui et pour les autres, est le chemin privilégié pour répondre à son grand amour.

Cependant, pour être honnêtes, nous devons reconnaître que l’esprit du sacrifice de soi généreux peut facilement s’éteindre. Il y a deux manières dont cela peut arriver, et les deux manières sont un exemple de cette ‘‘mondanité spirituelle’’ qui nous affaiblit dans notre chemin de femmes et d’hommes consacrés, de service et qui diminue la fascination, l’émerveillement de notre première rencontre avec le Christ.

Nous pouvons tomber dans le piège de mesurer la valeur de nos efforts apostoliques à l’aune de l’efficacité, du bon management et du succès visible qui régit le monde des affaires. Certes, ces choses sont importantes ! Nous sommes chargés d’une grande responsabilité, et le peuple de Dieu attend de nous avec raison que nous en répondions. Mais la vraie valeur de notre apostolat se mesure par celle qu’il a aux yeux de Dieu. Voir et évaluer les choses dans la perspective de Dieu demandent une constante conversion durant les premiers jours et les premières années de notre vocation et, – cela va sans dire – exigent une grande humilité. La croix nous montre une manière différente de mesurer le succès. Il nous revient de semer : Dieu voit les fruits de nos labeurs. Et si parfois il nous semble que nos efforts et notre travail échouent et ne portent pas fruit, nous devons nous souvenir que nous suivons Jésus Christ dont la vie, humainement parlant, s’est achevée dans l’échec : dans l’échec de la croix.

L’autre danger survient lorsque nous sommes jaloux de notre temps libre, quand nous pensons que le confort mondain nous aidera à mieux servir. Le problème avec ce raisonnement, c’est qu’il peut émousser l’appel continu de Dieu à la conversion, à le rencontrer. Lentement mais sûrement, il diminue notre esprit de sacrifice, notre esprit de renoncement et de travail. Et en outre, il éloigne les personnes qui souffrent de pauvreté matérielle et qui sont forcées de faire de plus grands sacrifices que nous, sans être des consacrés. Le repos est nécessaire, comme le sont les moments de divertissement et de ressourcement personnel, mais nous avons besoin d’apprendre à nous reposer d’une manière qui augmente notre désir de servir généreusement. La proximité avec les pauvres, les réfugiés, les migrants, les malades, les personnes exploitées, celles qui sont âgées et seules, les prisonniers et tous les autres pauvres de Dieu, nous enseignera un autre type de repos, plus chrétien et plus généreux.

La gratitude et le travail dévoué : ce sont les deux piliers de la vie spirituelle que j’ai voulu partager avec vous, prêtres, religieux et religieuses, ce soir. Je vous remercie de vos prières et de votre travail, ainsi que des sacrifices quotidiens que vous faites dans les divers domaines d’apostolat. Nombre de ces sacrifices sont connus de Dieu seul, mais ils portent d’abondants fruits pour la vie de l’Église.

Je voudrais, à titre spécial, exprimer mon admiration et ma gratitude aux religieuses des Etats-Unis. Que serait l’Église sans vous ? Femmes fortes, combatives ; armées de cet esprit de courage qui vous place en première ligne dans l’annonce de l’Évangile. À vous, religieuses, sœurs et mères de ce peuple, je voudrais dire « merci », un « merci », un très grand « merci », et vous dire aussi que je vous apprécie beaucoup.

Je sais que beaucoup d’entre vous affrontent le défi qui suppose l’adaptation à un panorama pastoral en évolution. À l’instar de saint Pierre, je vous demande, quelles que soient les difficultés et les épreuves que vous affrontez, de ne pas perdre la sérénité et de répondre comme le Christ l’a fait : il a remercié le Père, il a pris sa croix et regardé devant !

Chers frères et sœurs, dans quelques instants, dans quelques minutes, nous allons chanter le Magnificat. Confions à la Vierge l’œuvre à réaliser qui nous a été confiée ; joignons-nous à elle dans l’action de grâce à Dieu pour les merveilles qu’il a accomplies et pour celles qu’il continuera d’accomplir en nous comme en ceux que nous avons le privilège de servir. Ainsi soit-il !

Voyage du Pape François aux États-Unis d’Amérique

Vêpres avec le clergé et les religieux, cathédrale Saint-Patrick, New York, le 24 septembre 2015

Et toi ? Que vas-tu faire ?’

Messe avec les évêques, le clergé et les religieux de Pennsylvanie, à Philadelphie

Ce matin, j’ai appris quelque chose concernant l’histoire de cette belle Cathédrale : l’histoire derrière ses hauts murs et ses fenêtres. Je dirais, cependant, que l’histoire de l’Eglise dans cette ville et dans cet Etat est réellement une histoire, non pas de la construction de murs, mais aussi de leur démolition. C’est une histoire des générations successives de catholiques engagés, qui sont allés vers les périphéries et ont construit des communautés de culte, d’éducation, de charité et de service à la société en général.

Cette histoire est visible dans les nombreux sanctuaires de cette ville, et dans les nombreuses églises paroissiales ; leurs tours et leurs clochers témoignent de la présence de Dieu au sein de nos communautés. Elle est visible dans les efforts de tous ces prêtres, religieux et laïcs, qui, avec dévouement, durant plus de deux siècles, ont pourvu aux besoins spirituels des pauvres, des migrants, des malades et des prisonniers. Et elle est visible dans les centaines d’écoles où les religieux et les religieuses ont enseigné aux enfants à lire et à écrire, à aimer Dieu et le prochain, et à contribuer, en tant que bons citoyens, à la vie de la société américaine. Tout cela est un grand héritage que vous avez reçu, et que vous avez été appelés à enrichir et à transmettre.

La plupart d’entre vous connaît l’histoire de sainte Catherine Drexel, l’une des grandes saintes issues de cette Eglise locale. Quand elle a fait part au Pape Léon XIII des besoins des missions, le Pape – c’était un Pape très sage – lui a demandé exprès : ‘Et toi ? Que vas-tu faire ?’. Ces paroles ont changé la vie de Catherine, parce qu’elles lui ont rappelé, qu’après tout, chaque chrétien ou chrétienne, en vertu du baptême, a reçu une mission. Chacun de nous doit répondre, de son mieux, à l’appel du Seigneur pour bâtir son Corps, l’Eglise.

Et toi ?’. Je voudrais m’arrêter sur deux aspects de ces mots dans le contexte de notre mission spécifique de transmettre la joie de l’Evangile et d’édifier l’Eglise, que nous soyons prêtres, diacres ou membres – hommes et femmes – d’instituts de vie consacrée.

En premier lieu, ces paroles – ‘Et toi ?’ – ont été adressées à une jeune personne, à une jeune femme ayant de hauts idéaux, et elles ont changé sa vie. Elles lui ont fait penser à l’immense tâche à accomplir, et l’ont conduite à réaliser qu’elle était appelée à y prendre part. Que de jeunes gens dans nos paroisses et dans nos écoles ont les mêmes hauts idéaux, la même générosité d’esprit et le même amour pour le Christ ainsi que pour l’Eglise ! Je vous pose la question : leur lançons-nous le défi ? Leur accordons-nous une place et les aidons-nous à accomplir leur mission ? Trouvons-nous la manière dont ils peuvent partager leur enthousiasme et leurs dons avec nos communautés, surtout à travers des œuvres de charité et le souci des autres ? Partageons-nous notre joie et notre enthousiasme au service du Seigneur ?

L’un des plus grands défis auquel l’Eglise est confrontée en ce moment est d’encourager chez tous les fidèles le sens de la responsabilité personnelle dans la mission de l’Eglise, et à les préparer pour qu’ils puissent assumer cette responsabilité en tant que disciples missionnaires, en tant que levain de l’Evangile dans notre monde. Cela demande de la créativité pour s’adapter aux changements de situation, en transmettant l’héritage du passé non pas seulement en maintenant les structures et les institutions, qui sont utiles, mais surtout en s’ouvrant aux possibilités que l’Esprit nous révèle et en communiquant la joie de l’Evangile, jour après jour et à toutes les étapes de notre vie.

Et toi ?’. Il est significatif que ces paroles d’un Pape âgé aient été adressées à une fidèle laïque. Nous savons que l’avenir de l’Eglise, dans une société en évolution rapide, appelle d’ores et déjà un engagement plus actif des laïcs. L’Eglise aux Etats-Unis a toujours consacré un immense effort à la catéchèse et à l’éducation. Notre défi, aujourd’hui, est de construire sur ces fondations solides et d’encourager un sens de la collaboration et de la responsabilité partagée dans la planification de l’avenir de nos paroisses et de nos institutions. Cela ne signifie pas renoncer à l’autorité spirituelle dont nous avons été investis ; mais plutôt, cela signifie discerner et employer avec sagesse les multiples dons que l’Esprit répand sur l’Eglise. En particulier, cela signifie évaluer l’immense contribution que les femmes, laïques et religieuses, ont apportée et continuent d’apporter dans la vie de nos communautés.

Chers frères et sœurs, je vous remercie pour la façon dont chacun de vous a répondu à la question de Jésus qui a inspiré votre vocation : ‘Et toi ?’. Je vous encourage à renouveler la joie, l’émerveillement de cette première rencontre avec Jésus et à puiser dans cette joie renouvelée fidélité et force. J’attends impatiemment d’être avec vous ces prochains jours et je vous demande de porter mes affectueuses salutations à ceux qui n’ont pas pu être avec nous, spécialement aux nombreux prêtres, aux religieux et aux religieuses âgés, qui nous joignent spirituellement.

Durant ces jours de la Rencontre Mondiale des Familles, je vous demanderais, de façon particulière, de réfléchir sur notre ministère auprès des familles, auprès des couples se préparant au mariage et auprès des jeunes. Je sais que beaucoup se fait dans les Eglises particulières pour répondre aux besoins des familles et pour les soutenir sur le chemin de la foi. Je vous demande de prier avec ferveur pour elles, et pour les délibérations du prochain Synode sur la Famille.

Avec gratitude pour tout ce que nous avons reçu, et avec une assurance confiante au milieu de tous nos besoins, nous nous tournons vers Marie, notre Mère Très Sainte. Avec amour maternel, qu’elle intercède pour l’Eglise en Amérique, afin que celle-ci continue de croître dans le témoignage prophétique du pouvoir qu’a la croix de son Fils d’apporter joie, espérance et force à notre monde. Je prie pour chacun de vous, et je vous demande, s’il vous plaît, de le faire pour moi.

Cathédrale Saints-Pierre-et-Paul, Philadelphie, le 26 septembre 2015

La vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain

SYNODE DES ÉVÊQUES

XIVème ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE

La vocation et la mission de la famille  dans l’Église et dans le monde contemporain

 INSTRUMENTUM LABORIS

 Cité du Vatican 2015

Pour télécharger le texte : instrumentum-xiv-assembée synode fr

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Message du Pape François pour la journée des Missions

Chers frères et sœurs,
la Journée missionnaire mondiale 2015 a lieu dans le cadre de l’Année de la Vie consacrée et en reçoit un élan pour la prière et la  réflexion. En effet, si tout baptisé est appelé à rendre témoignage au Seigneur Jésus en annonçant la foi reçue en don, cela vaut de manière particulière pour la personne consacrée, parce qu’un lien fort subsiste entre la vie consacrée et la mission.
[pour télécharger le texte en PDF : papa-francesco_20150524_giornata-missionaria2015]
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